La quatrième et dernière étape des « visites expertes » de l’IMOA a conduit les adhérents à découvrir trois sites patrimoniaux en travaux de la capitale. Ces chantiers relèvent tous de la compétence d’un architecte en chef des monuments historiques pour les parties inscrites ou classés. L’OPPIC en tant qu’opérateur du patrimoine est mandataire des maîtres d’ouvrage impliqués : l’Opéra national de Paris pour le palais Garnier, le ministère des Armées pour le musée national de la Marine et le ministère de la Culture pour le quadrilatère des Archives nationales. Ces chantiers ont subi des aléas divers : des aléas liés au plomb, un matériau très présent dans les monuments historiques du fait de ses qualités malléables ; des aléas liés à des questions techniques lourdes, comme des réseaux qui ne passent pas, ou à des imprévus, comme une ouverture de baie réalisée au musée de la Marine pour sortir le canot d’apparat de Napoléon Ier, trop volumineux pour passer par une porte ; ou encore des aléas liés à la vie qui continue sur certains sites (ainsi les répétitions et les représentations à l’Opéra ou les déplacements des documents aux Archives nationales) obligeant les équipes à adapter en permanence leur planning et leurs cheminements ; sans compter les considérations d’incendie considérables dans les bâtiments patrimoniaux.
Restauration du palais Garnier (1840)
Les travaux déployés au palais Garnier entrent dans le cadre d’un schéma directeur patrimonial depuis 2008. L’objectif est de pallier les différentes dégradations subies du fait d’infiltrations, de chocs thermiques, de pollution extérieure, d’usure des matériaux. Bref, l’édifice construit par Charles Garnier avait perdu de sa magnificence. C’est à une double visite qu’ont été conviés les adhérents de l’IMOA. La première opération porte sur la restauration de 1 700 m2 de toiture qui a nécessité un échafaudage spécifique avec un parapluie couvrant les deux versants de la cage de scène. La seconde opération concerne la restauration de la façade sud – façade qui présente une juxtaposition de matériaux – pierre, fer, marbre, métal, bronze – tout à fait étonnante, mais qui pose des problèmes de canalisation de l’eau. Restauration de haute technicité donc. Fin des travaux : septembre 2023.
Rénovation du musée national de la Marine, palais de Chaillot (1935-1937)
Au moment de sa fermeture pour travaux en 2017, le musée de la Marine était inchangé depuis les années 1980, donc devenu inadapté. Plusieurs sujets ont motivé sa rénovation complète : la mise aux normes de l’emprise du musée, sa modernisation (offre culturelle, scénographique et scientifique, amélioration de son fonctionnement, développement d’activités) et la création d’une logistique adaptée. Ce ne sont pas moins de 7 900 m2 de surfaces utiles qui sont concernés. L’opération affiche un enjeu de coordination des quatre maîtrises d’œuvre impliquées (l’architecte des monuments historiques, l’équipe de la rénovation, celle de la scénographie et celle de la signalétique) à quoi s’ajoutent les 46 lots de travaux et tous les marchés des AMO. Au moment de la visite, le chantier vivait une situation critique : les étapes successives (rénovation du bâtiment, puis scénographie, puis installation des œuvres) s’étant transformée en étapes concomitantes. La réouverture du musée est prévue à l’automne 2023.
Rénovation d’une partie du quadrilatère des Archives nationales – opération Camus
S’inscrivant après l’intervention de l’architecte des monuments historique sur le clos et couvert, l’équipe de la rénovation (Atelier Novembre) s’est appuyée sur la dualité « patrimoine et création » pour guider son intervention et son parti pris : valoriser l’existant (posture qui consiste à se fondre dans l’existant et à imaginer une intervention discrète qui souligne les éléments remarquables du site et les matériaux qui le constituent, tel le bois) ; et contraster avec une intervention contemporaine qui opère comme un signal et crée une identité nouvelle grâce, entre autres, à des matériaux contemporains. Le site épars (du fait de la répartition des bâtiments et des différents niveaux concernés par l’opération) a rendu l’intervention complexe dans le contexte d’un site occupé dont l’une des activités – les archives – bannit la poussière.
La visite du chantier s’est achevée par la découverte des salons d’apparat de l’hôtel de Rohan avec les décors XVIIIe de la Chancellerie d’Orléans – hôtel particulier détruit en 1923, après que ses décors ont été minutieusement déposés, puis mis en caisse où ils ont végété de longues années avant d’être restaurés ; un immense travail qui a démarré par la mise à plat de tous les éléments comme un puzzle. Enfin le remontage a représenté une aventure en soi, notamment pour le montage à blanc des plafonds, et a nécessité des aménagements spécifiques pour adapter le bâtiment à la géométrie des décors.
Olivia Barbet-Massin