Le 16 mai 2025, les adhérents de l’IMOA se sont rendus sur l’Île des Impressionnistes, dans les Yvelines, à l’invitation de VNF, pour une visite du barrage de Chatou. Construit en aval de Paris, entre 2009 et 2013, le barrage de Chatou est un ouvrage de 108m de largeur, enjambant le bras de la Seine passant à l’ouest de l’Île des Impressionnistes. C’est le barrage le plus récent de l’UTI(*) Boucles de Seine, l’une des cinq UTI de la Direction Territoriale du Bassin de la Seine à VNF. C’est également le plus grand barrage à clapets de France. Il est partagé en trois passes de 30m de largeur, séparées par des piles en béton. Il est surplombé d’une passerelle reliant les deux rives. L’ouvrage fait 25m de longueur, 18m de hauteur et s’appuie sur des fondations d’une profondeur à peu près équivalente (hors passerelle).
« Il s’agit d’un barrage de navigation, explique Jérome Temperault, responsable du secteur Île-de-France à la subdivision exploitation de VNF. Son rôle est de réguler le niveau d’eau de tout le bief amont jusqu’à Suresnes, afin de maintenir un mouillage de 4m nécessaire à la circulation sur les 28 km du bief. »
Chacune des trois passes est équipée d’un clapet. Il s’agit d’un volet métallique de 170 tonnes actionné par d’imposants vérins hydrauliques, pouvant être abaissé ou relevé pour ajuster la quantité d’eau traversant le barrage. Si le niveau d’eau en amont est faible, les clapets sont relevés pour augmenter la retenue. À l’inverse, en période de crues, les clapets sont abaissés pour permettre un meilleur écoulement de l’eau et prévenir l’inondation des berges. Au delà d’un debit de 950m3/s le barrage est mis à clair en abaissant totalement l’ensemble des clapets. La Seine est alors en libre cours et le barrage n’a plus d’action sur le niveau d’eau. Les passes centrale et de rive droite peuvent être données à la navigation au delà de 1000m3/s.
Une passe à poissons longe l’ouvrage, pour permettre la continuité piscicole. Un courant d’attrait permet d’attirer les poisons remontant la seine. Une fois engages dans la passe, ils empruntent une succession de bassins leur permettant de remonter à leur rythme jusqu’au niveau amont. Une écluse de 185m de long et 18m de large est également présente sur le site. Elle est située à l’est de l’îlet sur lequel s’appuie le barrage et où est installé le poste de commande.
(*) Unité Territoriale d’Itinéraire
Des travaux sur une saison réduite
La conception du barrage et des batardeaux de maintenance, équipements permettant d’obturer et vidanger chaque passe pour les opérations d’entretien, a été assurée par le groupement de maitrise d’œuvre Tractebel Engineering / Coyne & Bellier, Spretec et LWA Luc Weizmann Architecte. Sa construction a été réalisée par le groupement Bouygues Travaux Publics, Bouygues Travaux Publics Régions France et EMCC, sous maîtrise d’ouvrage VNF. L’opération a nécessité un investissement de 69 M€ financé par VNF, l’État, la Région Île-de-France, l’Union européenne et l’Agence de l’eau Seine-Normandie (pour la passe à poissons).
« La construction d’un tel ouvrage en rivière impose un certain nombre de contraintes tant techniques que règlementaires, affirme Capucine Mitton-Pacheco, adjointe à l’unité Études et Grands Travaux n°4, Unité Opérationnelle de Paris, à la direction de l’ingénierie et de la maîtrise d’ouvrage de VNF. En premier lieu, afin d’éviter les risques de crues, les travaux ne peuvent être réalisés en hiver. La période sur laquelle nous pouvons travailler va de mars à fin novembre au maximum. Cette saisonnalité est une des raisons qui explique pourquoi la construction d’un barrage s’étend généralement sur plusieurs années »
La règlementation impose d’autres contraintes. En cas de crues d’été, les entreprises en charge doivent pouvoir désinstaller et enlever leurs emprises chantier en 48 à 72 heures selon les cas. Par ailleurs, il est nécessaire d’être toujours à l’équilibre déblais/remblais. La dimension environnementale est également à prendre en compte. Ainsi, il existe des seuils de paramètres d’oxygène dissous ou de matières en suspension par exemple à respecter dans les eaux pompées lors des travaux et rejetées dans le fleuve. Enfin, un compte rendu de l’avancement des travaux est transmis mensuellement aux services de l’Etat.
Créer des zones sèches pour les travaux
En marge des contraintes règlementaires, la construction d’un barrage présente des contraintes techniques spécifiques.
« La première étape consiste à créer un batardeau de chantier, une enceinte dans laquelle les équipes peuvent travailler hors d’eau, explique Capucine Mitton-Pacheco. Des palplanches sont ainsi posées verticalement et ancrées profondément dans le sol pour délimiter la zone concernée. La structure est ensuite rigidifiée grâce à des liernes et des butons, pour tenir la pression exercée par l’eau. Un « bouchon » en béton est alors coulé au fond du batardeau, après quoi un pompage est réalisé pour mettre l’enceinte à sec. Une pêche de sauvegarde est effectuée lorsqu’il reste encore 50 cm d’eau dans le batardeau, afin de rejeter les poissons dans la rivièree. Un pompage de maintien à sec doit ensuite être conservé tout au long du chantier, pour contrer les arrivées d’eau. ».
Une opération de batardage comme celle réalisée pour chacune des trois passes du barrage de Chatou représente environ un mois et demi de travail, sans compter les travaux de terrassement et de fondations profondes, qui ont une durée à peu près équivaente et se font pendant la mise en place du batardeau de chantier. La géotechnique est également à prendre en considération, avec des difficultés pouvant retarder le déroulement du chantier. Par exemple, l’hétérogénéité du sous-sol et les écoulements d’eau qui s’y produisent peuvent affecter la stabilité du fond du batardeau mis à sec. Des mesures de mise en sécurité, comme la remise en eau de l’enceinte batardée, sont alors immédiatement prises, qui peuvent retarder l’avancée du chantier.
Des opérations d’entretien facilitées
Des travaux de reparation du radier ont été réalisés de mai à novembre 2023 sur le barrage de Chatou Un batardage a ainsi été mis en place successivement sur chacune des trois passes. L’opération a consisté à poser les batardeaux de maintenance stockés en amont du barrage. Il s’agit de deux volets métalliques de 120 et 90 tonnes mis à l’eau par grutage et installés respectivement en amont et en aval des clapets du barrage. Le batardeau de maintenance vient s’engager dans des réservations réalisées dans la maçonnerie des piles de part et d’autre de la passe, puis est ennoyé par remplissage des ballasts. Une fois les batardeaux amont et aval en place, le pompage peut être réalisé avant le démarrage des travaux.
Des conditions météorologiques favorables ont permis d’effectuer les travaux sur les trois passes en une seule saison. Prochaine opération d’entretien : d’ici une dizaine d’années.
Edward LICHTNER